Contrat première embauche : faux-emploi ou faux chômage ?

C’est bien connu, les premiers emplois occupés par une personne sont majoritairement ceux qui seront les plus précaires : salaire faible, travail ingrat et facilité à être “remplacé”. Mais quand l’expérience n’est pas là, difficile de faire pression. Bref, on s’écrase. De Villepin a décidément réponse à tout et propose le contrat première embauche (CPE) en digne remplaçant de l’emploi jeune (sottise car c’est le CNE qui le remplace).

Dans le fond, ce contrat est une bonne évolution de l’emploi jeune. Il permet d’être quasiment à pied d’égalité avec un CDD et un CDI. Récapitulatif des modalités du contrat :

  • réservé aux individus de moins de 26 ans
  • réservé aux entreprises de plus de 20 salariés
  • droit au chômage à partir du 4° mois travaillé
  • droit à la formation dès le 2° mois travaillé
  • période d’essai de 2 ans pendant laquelle le contrat peut être brisé à tout moment, avec ou sans justification de la part de l’employeur

Mais n’oublions pas que nous vivons dans un monde de chacal et qu’évidemment, on ne peut pas compter que sur le bon côté des choses. Avoir un travail c’est bien mais dans le cas présent, on ne sait pas combien de temps on va le conserver. La période d’essai de 2 ans est la principale source de précarité apportée par ce contrat : on peut être viré du jour au lendemain sans pouvoir avoir le moindre recours, sans avoir la moindre justification alors même que le travail a toujours bien été effectué. Les dérives possibles sont énormes.

Obtenir un premier travail est difficile. Obtenir un deuxième travail suite à un CPE terminé avant les 2 ans est sûrement pire pour retrouver un emploi. Que répondre à un “pourquoi avez-vous quitté votre précédent emploi” ? Surement pas un “je sais pas on m’l’a pas dit” ni un “on m’a viré avant la fin de ma période d’essai”. Ca redore bien le blason de montrer qu’on est dans l’ignorance la plus totale et qu’on est potentiellement un fardeau pour le monde du travail. Ca ne colle pas trop avec l’expression insertion professionnelle à laquelle le Contrat Première Embauche est censé contribuer.

En effet, un employeur a tout intérêt à substituer un CDD ou CDI par un CPE : ça lui coûtera moins cher (en primes de précarité & cie) et ça sera plus facile d’y mettre un terme surtout que là, jusqu’à preuve du contraire, rien n’interdit de dégager un CPE pour le remplacer par un autre. Après les rasoirs jetables, voici les emplois jetables. Sans oublier les CNE mais c’est une autre affaire.

On peut se dire “ouais mais ça va pas se passer comme ça, faut y croire sinon ça ne bougera pas”. Fut un temps où j’étais optimiste pour ce genre de choses mais maintenant, politique et promesses sont pour moi deux mots totalement opposés et incompatibles entre eux. Dernièrement on peut lire dans la presse CPE : M. de Villepin accélère pour contrer les syndicats (Le Monde), Mobilisation générale le 7 février (L’Express) ou encore CPE: Villepin accélère et sème la colère. Outre le fait qu’en France y’a toujours des gens pour manifester que ça soit pour de nouveaux emplois précaires ou pour la hausse du prix du cannabis en pharmacie, il faut essentiellement noter que le gouvernement est assez malin pour avancer la date initiale du vote de l’ensemble législatif nécessaire à la mise en place du CPE. Au début prévu pour la mi-février, ça sera désormais décidé le 31 janvier.

Et pourquoi me direz-vous ? Pour passer cette loi plus facilement, plus rapidement afin d’éviter un maximum de mobilisation. Comme le souligne le journal L’Express, Balladur avait proposé en 1994 des contrats similaires mais avait dû s’écraser pour cause de … manifestations. La confiance règne et De Villepin le montre bien puisque plutôt que de proposer un dialogue concernant un acte soit-disant “social”, il préfère se dépêcher d’inscrire son nom en espérant, grand bien lui en fasse, qu’on retiendra son nom pour une mesure aidant la France à se relever de sa morosité.

En attendant, en Irlande, c’est le plein-emploi, de la croissance, du pognon et peu d’impôts. Seulement là-bas y’en a qui réfléchissent pour l’avenir de leur pays …