Pourquoi j'ai décidé de quitter mon travail

Remarque : j’ai initialement intitulé cet article « pourquoi j’ai décidé de devenir indépendant » mais au final, je me suis rendu compte que je ne répondais pas à la question. Ce sera l’objet d’un autre billet, détaillant pourquoi j’ai préféré l’indépendance à un autre employeur.

Remarque (bis) : comme le fait justement remarquer Padawan en commentaire, un meilleur titre à ce billet aurait pu (ou dû) être « Pourquoi j’ai décidé de quitter le salariat ». Subtile différence qui marque une volonté de changer de façon de travailler. C’est ce qu’il faut en retenir.
Le 30 novembre dernier, j’effectuais mon dernier jour chez Clever Age, société que j’ai rejoins 3 ans plus tôt, le 5 novembre 2007. Aujourd’hui, je pointe à Pôle Emploi dans un contexte de création d’entreprise. De toutes façons, personne ne me prend au sérieux quand je dis être chômeur (ce qui est pourtant une réalité, positive dans mon cas).

Pourtant, certaines personnes s’interrogeaient sur ma volonté de partir. J’insiste sur le mot partir car c’est ce sur quoi elles se sont arrêtées. Alors que moi, je me focalisais sur ce que j’allais entreprendre. Trait culturel ? Se fixer sur ce qui se termine au lieu de regarder au loin ?

Peut-être. Dans tous les cas, je vous livre mon point de vue et ce qui me motive à me lancer dans l’aventure et à prendre des risques.

§It’s About Time

En janvier 2010, lors de mon entretien annuel, je n’étais pas fichu de savoir où je serais dans 2 ou 3 ans. Je me voyais toujours chez Clever Age, et absolument pas indépendant. Je craignais trop la nécessité d’avoir à démarcher commercialement et à traiter la paperasse administrative (la comptabilité par dessus tout).

Pourtant, un jour, le doute m’est venu, petit à petit, par concordance de signaux. Je commençais à être de plus en plus sollicité pour travailler sur des projets, pas mal de monde croyait que j’étais déjà indépendant et j’avais envie de participer à des projets externes, en conseil ou en réalisation.

Puis finalement, arrivent les RMLL à Bordeaux. L’occasion d’héberger Nicolas Perriault et Frank Taillandier, de cotoyer un peu plus David Larlet et de voir Bruno Bord s’ennuyer à Bayonne (alors qu’il ne demande qu’une chose, faire ce qu’il aime, du Python) ont provoqué le déclic.

Les doutes se sont alors forgés en conviction : j’étais en train de perdre mon temps.

§La croissance ne fait pas tout

Je perdais mon temps car mes convictions et celles de mon employeur divergeaient de plus en plus. La croissance économique voulue et assumée entraîne des recrutements, le nombre de projets et fatalement, la taille de l’entreprise.

Qui dit taille plus importante implique davantage de structuration, davantage de hiérarchie.
Tout ça pour tourner à fond, limiter l’intercontrat et être le plus productif possible.

Enfin, productif, être le plus facturable possible.
En fait, à mes yeux, ce qui n’était pas une SSII car plutôt proche d’une agence Web de techos, était/est en train de devenir une SSII. Psychologiquement parlant, je n’ai pas pu ni voulu passer ce cap.

§Privilégier l’homme à la ressource

Qui dit SSII dit « ressource ». Au même type que ressource humaine. À partir du moment où on parle de ressource, l’homme n’existe plus, en tant qu’individu, on ne voit plus que ce qu’on pourra en tirer.
Et plus la taille de l’entreprise augmente, plus l’homme devient une ressource.

On ne dira plus « j’ai ton homme » mais « j’ai les compétences » ou encore « j’ai suffisamment de ressources ». Ça n’a l’air de rien, ces mots, mais c’est toute la vision que l’on peut avoir des gens avec qui on travaille. Si on considère la personne pour ce qu’elle rapporte (car louée pour certaines compétences) et non ce qu’elle apporte, c’est le début de la (longue) fin.

Combien parmi vous se sont déjà sentis sous-exploités, car vous savez en faire plus que ce qu’on vous demande ? Combien parmi vous n’ont jamais eu cette sensation de frustration, explicable ou pas ?

J’ai été définitivement convaincu de ça le jour où je n’ai pas été défendu face au client, et que le seul argument du client payeur cautionnait le fait qu’il s’essuie les pieds sur moi. Ce jour là, le divorce était consommé : je n’étais plus consultant, j’étais une ressource.

§Parce que je me suis senti prêt

Même si j’ai mon amour-propre et que j’ai servi de paillasson, j’avoue que cela m’a apporté, couplé au fait qu’il s’agissait d’une mission de longue durée. Le recul.

Le genre de recul qui fait poser plein de questions, sur soi, sur ce qu’on fait, où on est et ce qu’on tente de faire.
Comme me le soulignait un collègue, être en prestation chez un client, c’est comme si ton propre employeur devenait le client. Tu es loin, tu ne sais plus ce qui s’y passe et tu t’en détaches.

Une bonne manière de prendre du recul, et de réaliser que les aspirations ne seront pas satisfaites par les missions. Bien entendu, je parle pour moi. J’ai du mal à ne rien faire et j’ai encore plus de mal à me sentir inutile.

Après moult discussions, réflexions et interruptions de sommeil, j’ai réalisé ceci :

  • on est tout le temps sous l’eau
  • le marché cherche les bons profils
  • le marché a besoin de bons profils
  • les freelances que j’estime s’en sortent bien et sont comme moi, n’ont pas été destinés ni formés à être indépendants
  • je cherche à améliorer ma qualité de vie
  • j’ai envie de défi(s)
  • ma famille, mes amis, mes relations professionnelles et ma tendre compagne me soutiennent et m’encouragent

En clair, il est temps, ni trop tard, ni trop tôt. Juste le moment, dans ma vie, où je veux me lancer. J’ai envie de me dire que je réussirai et s’il s’avérait que ce n’était pas le cas, tant pis, j’aurais essayé.

§Liberté

J’ai réalisé une chose cette année, parmi d’autres : mon évolution est conditionnée par ma liberté. Dès que j’ai la sensation d’être en cage, d’avoir à subir un boulet au quotidien, j’essaie de rectifier le tir. Si ça ne fonctionne pas, je dérive le chemin, et je trace le mien.

Cette liberté, j’en ai besoin, et je la réalise au travers d’autres individus, des humains. Ils me guident positivement (admiration, inspiration) ou négativement (opposition, rejet).

C’est sur ces fondements que reposera mon activité : un travail de qualité, souple et indépendant, connecté avec d’autres professionnels pour leurs qualités, leurs compétences et leurs valeurs. Une activité où les projets qui me seront confiés seront aussi importants à mes yeux qu’à mon cœur.

Je suis convaincu que l’implication est le facteur premier de la réussite.
La frustration a ça de bénéfique : elle pousse à la liberté.

§Et la suite ?

Je suis en train de préparer mon avenir, administrativement et stratégiquement parlant. J’aurai l’occasion d’expliquer dans un prochain billet pourquoi j’ai souhaité choisir la formule freelance / indépendant.

Rien ne démarrera avant 2011, je me laisse encore le temps d’y réfléchir et de profiter des fêtes de fin d’année dans le sud de la France.

Nota bene : pour éviter toute confusion, je n’ai aucun regret à avoir passé 3 ans de ma vie chez Clever Age. Sans cette étape, sans les gens que j’y ai cotoyé et sans ce que j’y ai appris, je n’aurais peut-être pas franchi le pas. Ce n’est pas un règlement de compte, ou un tir à boulet rouge. C’est un constat.

Nota bene again : à celles et ceux qui pensent qu’il s’agit d’un billet plein de rancune contre mon ancien employeur, relisez le titre. J’aime mes anciens collègues, ils sont bons et motivés. Ils ont été et sont une famille à mes yeux. Mais ne lisez pas entre les lignes : je partage un ressenti, c’est personnel et lié à ma personne.