☕️ Journal : Un croissant sur la table

Un croissant est posé sur la table.

Me voilà qui entre dans la nuit.
1h30.
Le ballet des déneigeuses bat son plein.

Tourne à gauche,
Nils Frahm dans les oreilles,
je repense aux accidents
ceux où les déneigeuses fauchent
quelques kilos de plus à écarter de la route.

Tout droit,
une première âme humaine,
elle titube,
la vie est difficile.

Tourne à gauche,
je reconnais,
on était là une fois avec A,
on en est parti pour rentrer chacun chez soi,
en lui demandant ce qu’il aurait fait
dans cette situation là.
Une homme propose de me vendre des bouteilles de vin,
j’ai pas soif,
et moi j’ai besoin d’argent,
tiens, prends tout.

Tourne à droite,
je savoure l’accroche des chaussures,
une semelle en plastique qui perce la neige,
me donne une sensation de stabilité
pendant que les déneigeuses brûlent du pétrole
pour déplacer de l’eau solide, pour que
nos semelles en plastique percent moins de neige
et que les voitures brûlent du pétrole
pour que tout aille bien,
pour que ça soit comme d’habitude.

Tourne à gauche,
rue de Rouen,
Jeanne (Mance|d’Arc), me voilà ;
je reconnais le pont ferroviaire, c’est là
qu’on s’est dit au revoir la dernière fois.
Ça sent la brioche
sous le pont,
en tournant la tête,
une boulangerie.

Tout droit,
elle se découpe dans l’obscurité,
son ombre est moins sombre que la nuit,
j’y repense, à la nuit
à cette chaleur qui remplit
le rose des joues, dans le froid.

Tout droit,
des fenêtres encore allumées,
ici il n’y a pas de volets
d’autres fenêtres sont plongées dans leur nuité.
Au bout
la serre, blanche
moins blanche que la neige
la nuit.

À droite,
j’hésite, tout droit ?
non, revenir sur les pas de l’autre fois
rentrer comme si c’était chez moi,
épuiser la marche,
écraser les distances.

À gauche,
un parc,
le traverser
sur le chemin damé.
À l’horizon,
pas une âme damnée.

Tout droit,
la main rouge
elle ne clignote pas,
elle dit en silence reste là.
je croise un chien
et son maître,
on se regarde
mais on ne se voit pas.
je me demande s’il est encore chez lui
tandis que ses jambes se promènent ici.

À droite,
la pente,
tout droit,
le trèfle à quatre feuille
suspendu à un grand immeuble,
à gauche,
des camions,
à droite,
un autre parc
Fontaine.

En diagonale,
pas jogueur‧h‧euse,
pas de cycliste,
pas de marcheur‧h‧euse,
pas d’écureuil,
pas de feuille,
juste Nils
qui pianote dans les oreilles.
le lac gelé,
qu’une fois j’avais croisé
où tout droit (dans ma tête)
était en fait à gauche (sur la carte)
ou à droite,
je ne sais plus
j’étais perdu.

Tout droit,
une main rouge clignote.
est-ce qu’une main peut clignoter ?
pour signifier vas-y, tu peux tu passer ?
c’est le passage qu’on avait emprunté avec E,
t’inquiète, je suis directe et honnête
sans bruit, sans mots, jamais elle ne répondit.
j’espère que tu vas bien,
c’est pas grave.

Tout droit,
Duluth,
On pourrait construire des phrases avec le nom des enseignes
la prunelle de la grande ourse,
chez josé café chat l’heureux.
un café toujours empli de buée,
j’aime à croire que c’est un nuage de lait.
dans cette boutique y’a du bon thé,
c’est là que je dois tourner.

À droite,
c’est chez elle,
un chez moi.

J’ouvre la porte.
2h30.
Un croissant est posé sur la table.